Cazottes liquide, Terre de Vin

Cazottes okLaurent Cazottes fait de la poire. Mais pas que ça. Il distille tout ce qui pousse et retrouve le goût là où on l’avait oublié. De l’alambic sort l’esprit d’une nature qu’il cultive autour de lui, en biodynamie.

 

Le bonheur du bouilleur est dans le pré. Dans la cour, des chorales de dames-jeannes et des orchestres de bidons couvent les cueillettes en macération. Tout autour, des pruniers, des poiriers, des guignes, des coings, des prunelles, des lavandes, des sauges, du thym, des vignes…un monde entier en attente d’alambic. Le monstre métallique est tapi dans l’ombre. « Il faut s’y coller pour apprendre et comprendre qu’il n’y a pas grand chose dans la machine, que tout est dans le fruit. » L’alambic ne fera qu’en élever l’esprit. Laurent le veut pur. « Pas de cuivre, ça laisse un goût. » Il collectionne les vieux alambics sous les hangars pour le plaisir des yeux mais le bruit et l’odeur revient à la chaîne made in Mad Max encore montée sur essieux. « Mon père a longtemps promené cette machinerie. » Le distillateur ambulant parcourait les campagnes. Le fils a inventé la sienne et la mène. « L’idéal reste d’avoir ses propres arbres. Sur un poirier, notamment, rien n’est mûr en même temps. Il faut attendre que les fruits tombent pour avoir la maturité optimale et donc être là pour les ramasser, chaque jour. » Quand Laurent Cazottes va chercher des poires ailleurs, c’est dans le verger bio d’un copain. Quand il cultive le sien, c’est en biodynamie. Quand il élève des chevaux, le crottin va au compost qui retourne à la vigne. Quand il plante des vignes, c’est pour réveiller les cépages oubliés du Gaillacois. Quand il aligne des prunelliers, ça fait des haies pour abriter la faune sauvage. Quand il récolte le raisin, c’est pour en garder le sucre ou le marc qui adouciront ses liqueurs. Quand il démarre sa vieille Mercos, ça sent le tournesol. Quand il en fait de l’huile, ça n’a jamais été aussi bon. Parce que Laurent Cazottes a le souci de chaque minutieux détail qui fait la différence, criante. « Il faut cultiver mieux pour récolter meilleur et essayer alors de trouver le chemin de chaque fruit pour régaler l’alambic. » Celui des prunelles se dessine à force de les observer : les petites billes bleues attendent sur les clayettes que leur chair passe du jaune au rouge. « C’est à ce stade qu’elles sont bonnes. » Ensuite, elles seront éclatées à la main, une par une.

Le supplice de la poire est bien pis encore… On les endort doucement au vent, alanguies dans des cagettes. Elles y passerillent pour maigrir et concentrer les sucres : de 3-4 degrés d’alcool potentiel, elles atteignent 8-9. En 2005, 12 tonnes, 84 500 poires qui ne rempliront que 2 000 bouteilles. Chaque jour, pendant plus d’un mois, on vient prélever les plus mûres. Toujours à la mimine, on leur extirpe la queue, le calice et les pépins. Une tonne et demi de déchets qui serviront à patiner l’alambic pour le « mettre à la poire ». Le bon grain, lui, va fermenter six semaines en cuve pour transformer ses sucres en alcool, comme un vin, comme un poiré. « Pas de soufre, pas de levures ajoutées, pas d’enzymes. » La maison Cazottes ne triche pas. « Maintenant, je leur laisse du sucre résiduel. Je perds en quantité mais gagne en onctuosité et en gras. » La maison Cazottes ne recule devant aucun sacrifice. Résultat : pas terrible à la sortie de la cuve… « Les arômes sortiront à la distillation : elle épure, concentre les parfums, l’alcool et annule l’acidité.» L’alambic tire les larmes des fruits et de la bouteille s’évade l’esprit qui a capté une année de météo. Comme en vin, on a des millésimes en eaux de vie. Comme en raisin, il faut savoir laisser murir. « Tout le monde se torpille avec des alcools trop jeunes. » Laurent rêve qu’on attende ses bouteilles un an ou deux avant de les attaquer. D’autant qu’au contraire du vin, l’alcool se conserve moins bien en gros contenant. Alors pour atténuer ses ardeurs, il se lance dans une méthode de soléra. Une base de vieux millésime sur lequel on vient chaque année rajouter une nouvelle pour la civiliser. La chaudière Cazottes ne s’éteint jamais…